Bienvenue à la résidence

Gratte-Cieux

INTERPHONE DE LA RÉSIDENCE

INTERPHONE DU

GRATTE-CIEUX

1639 – M. SFR

1671 – Ressources humaines

1710 – Familhas Bricolage

1711 – Assemblée du Désert

1712 – Mme BÉATE

1713 – DRAC

1793 – M. Anticlérical

1801 – Mme BÉATE s’appelle REVIENT

1812 – Mrs Les Septs Nains

1840 – École Mixte

1840 – DENTELLE EXPORT

1881 – M. L’Inspecteur

1890 – M. & Mme ZAD

1902 – Mme Discrète

1937 – Mme Fantôme

1944 – Serge + Béate = ♥

1969 – M. Prend l’air

1970 – Musée du VIVRE ENSEMBLE

1975 – Familles BON-PAIN

2018 – M. Gilles est Jaune

2024 – VOUS ÊTES ICI

2027 – Mmes LES ARTISTES

2029 – ASSEMBLÉE N°112

2033 – Bureau des Abeilles Trouvées

2092 – La Vagabonde

2695 – Assemblée des Assemblées

4351 – Mme APOCALYPSE

4352 – M. MACHIN

DOCUMENTATION

DOCUMENTATION

N.B. : Dans le texte qui suit, les termes indiqués [de cette manière] font référence aux touches de l’interphone.

Préhistoire des maisons d'assemblée

La préhistoire des maisons d’assemblée débute au 17ème siècle avec la Contre-Réforme. À cette époque, l’Église cherche à affermir ses assises locales, en particulier dans les localités où le protestantisme a gagné de l’influence au cours des siècles passés. Les évêques envoient alors des missionnaires parcourir les terres de leurs diocèses, afin d’y raviver la foi catholique. C’est le cas des campagnes du Velay (du moins celles situées au sud-est autour du Chambon-sur-Lignon) que le prêtre Saint-François-Régis [M. SFR] va sillonner à pied dans les années 1630.

Saint-François-Régis mourra en 1640, vraisemblablement tué par la Burle, phénomène météorologique local particulièrement violent [Vous êtes ici].

Tombeau de Saint-François-Régis à La Louvesc.

Apparition des Béates

C’est Anne-Marie Martel qui reprendra son flambeau, quelques années plus tard. Jeune femme laïque, elle s’investit d’abord dans les faubourgs du Puy auprès des dentellières pour les aider à organiser leur vie et leur travail, tout en les formant à la vie chrétienne. Dans les années 1660, elle honore la même mission dans les campagnes environnantes, avant d’organiser une présence plus pérenne dans les hameaux isolés : les béates sont nées. [Ressources Humaines]

Ces femmes célibataires et pieuses vont en effet s’installer dans des maisons appelées "assemblées", construites par les habitants des hameaux sur un terrain qu’ils gèrent eux-mêmes et dont la propriété est collective : les communaux, aussi appelés "biens de section". [Familhas Bricolage].

L’ironie veut qu’à la même époque, les communautés protestantes soient contraintes de se réunir clandestinement à l’occasion d’[Assemblées du Désert] : l’édit de Fontainebleau ayant révoqué celui de Nantes en 1685, l’exercice de la religion protestante devient proscrit. Les cultes protestants sont alors célébrés lors de la venue d'un prédicateur itinérant, encourant le risque d'être arrêté et emprisonné par les soldats de la monarchie. 

Mais revenons-en à la figure de la béate...

Trois béates en formation au Puy en Velay.

Le rôle social de la béate

Fille célibataire issue d’un milieu très modeste, elle était d’abord formée par la congrégation des Filles de l’Instruction au Puy et s’installait ensuite dans un hameau, à la demande des habitants. Elle était l'hôte du village qui l'hébergeait et la nourrissait en échange de ses services [Mme Béate].

Son rôle social était multiple : à la fois institutrice apprenant à lire, à écrire et à compter aux enfants [École Mixte], catéchiste, infirmière, elle rassemblait aussi le soir venu les femmes pour la veillée [Dentelle Export]. Ensemble, les femmes travaillaient à leurs ouvrages de dentelle sous la direction de la béate, qui modérait également les conversations quand celles-ci devenaient trop légères ou malveillantes…

La prière occupait aussi une place prépondérante dans les différents rendez-vous que la béate donnait aux habitants. Elle était d’ailleurs l’œil et l’oreille du prêtre sur le terrain, à qui elle faisait des compte-rendus de la vie du hameau.

Les dentellières de Saint-Julien-Chapteuil.

Pourtant, malgré les enseignements catholiques dispensés dans les maisons d’assemblée, les béates se révèleront incapables de faire taire les croyances populaires, particulièrement bien ancrées dans les campagnes du Velay [DRAC].

Lutins, esprits de la nature, monstres féroces peuplent les histoires que se racontent les habitants des campagnes et vont ainsi coexister durant des dizaines d’années avec le christianisme. 

Le drac. Peinture de Patrice Rey, fondateur du Musée des Croyances Populaires (Monastier-sur-Gazeille).

La révolution française

Un peu plus tard, ce ne sont pas les croyances populaires qui vont donner du fil à retordre aux béates, mais les révolutionnaires [M. Anticlérical]. Pour avoir pris la défense de la monarchie (dans la droite ligne de celle tenue par l’évêque du Puy), elles vont être chassées des assemblées… pour y revenir quelques années plus tard, au début du 19ème siècle [Mme Béate s’appelle Revient].

Mais en réalité, pour les béates, les véritables difficultés vont commencer avec l’essor d’une politique d’éducation nationale, en particulier sous la Troisième République.

En 1880, Jules Ferry envoie un Inspecteur Général en Haute-Loire, afin qu’il fasse un rapport concernant l’enseignement dispensé par les béates [M. L’Inspecteur]. Et celui-ci va largement remettre en cause leur faculté à enseigner la lecture et l’écriture, en concluant par ces mots cruels : « Le fait notoire, patent, éclatant comme la lumière du jour, c’est la profonde ignorance des béates. Pourquoi la nier ? ». 

"Jules Ferry croquant un curé en pain d’épices", caricature parue en 1879.

Suite et fin des béates

À la suite des grandes lois rendant l’école gratuite et obligatoire (1881-1882), Jules Ferry fait également adopter des mesures contraignant les béates à l’obtention de diplômes publics. La possibilité pour les béates de devenir maîtresses d'école se complique, leur taux de réussite aux certificats d’aptitude étant très bas… Un sentiment d’injustice se diffuse parmi les béates et certaines d’entre elles décident d’entrer en résistance, si bien qu’un nouveau délit apparait : l’ouverture d’écoles clandestines. Les béates enseignant dans ces écoles clandestines encourent différentes peines : amendes, voire prison. [Mme Discrète]

 

Par ailleurs, avec le développement de l’école publique, c’est la maison d’assemblée elle-même qui voit son destin contrarié. Dans certains cas, les conseils municipaux chercheront à s’en emparer pour créer des écoles communales laïques à peu de frais. Mais les habitants des hameaux n'entendront pas abandonner leurs droits sur ces maisons et il y aura parfois des prises de position violentes, comme à Orsignac où les habitants pétitionnent le 25 mars 1887 pour dire : « Nous résisterons par tous les moyens légaux à une spoliation » [M. & Mme ZAD].

Quoi qu’il en soit, en 1904, la loi de séparation de l’Église et de l’État intensifie le combat laïc et va porter le coup de grâce à l’institution des béates, en interdisant aux congrégations d’enseigner. La congrégation des Filles de l’Instruction dont elles dépendaient est donc dissoute et, au fur et à mesure, les béates ne sont pas remplacées. Durant les décennies suivantes, le dépeuplement des campagnes scellera définitivement la disparition de leur monde.

… et les assemblées ?

Désormais inhabitées, nombre d’assemblées se sont lentement détériorées, quand elles n’ont pas fait l’objet de pillages. [Mme Fantôme].

Un peu plus tard, dans les années 60 et 70, plusieurs d’entre elles ont connu des transformations…parfois étonnantes. Un petit nombre ont été vouées à la démolition et ont laissé place à un arrêt de car, un espace de parking ou à un transformateur électrique. Quelques-unes ont été vendues et transformées en résidences secondaires [M. Prend l’air].

Mais dans la plupart des cas, les assemblées ont été transformées en salle des fêtes [Famille Bon-Pain] ou sont demeurées vides et inoccupées.

Quant à leur avenir proche ou lointain… il reste à écrire.

Une assemblée inoccupée, envahie par les hautes herbes.­­